être mort, avoir mouru [sic] - mourir : auxiliaire être / avoir (2025)

k@t said:

Pour le moyen français (+ une mention sur la permanence de cet usage en patois)
Grammaire historique de la langue française
5° Mort dérive directement de mortuum ; on trouve aussi au moyen âge mouru: Il est mouruz (Jubinal, Mistères, I, 163). De fain avez mouru (Deschamps, III, 174):

Il faut préciser quand même que Jubinal et Deschamps sont mis abusivement sur le même plan par l'auteur, puisque Achille Jubinal est un érudit compilateur de mystères du XIXème, tandis que Deschamps est réellement un poète des XIVème-XVème siècle; on pourrait s'y tromper avec cette mise en page...

Sur le fond: ces références sont à prendre avec d’infinies précautions selon moi (et pardon d'être un peu long) :

1. A cause de l’histoire de l’œuf et de la poule : un mystère était un spectacle on ne peut plus populaire ; rien ne dit que l’auteur ne se soit pas servi d’une expression déjà établie dans la langue populaire (l’œuvre en question, le martyre de Saint-Denis, est très tardive, XVème siècle) et qu’il l’ait précisément utilisée pour parler le langage de ses spectateurs ; en somme, il ne serait pas le prescripteur, mais l’écho. On pourrait en revenir dans ce cas à une invention populaire sans lien avec une référence antérieure.

2. Parce qu’il est toujours utile de replacer dans le contexte, p.100-169 (mais l'auteur de cette grammaire a-t-il lu l’œuvre, ou s'est-il contenté de reprendre une mention précédente ? être mort, avoir mouru [sic] - mourir : auxiliaire être / avoir (1)). On constate alors que cette réplique se trouve dans la bouche d’un hôtelier, que l’auteur présente tout au long de ses répliques comme un homme ne sachant pas parler correctement le français (il est probablement de langue d’oc (par exemple, p. 159, à Senctin qui lui lance : "A Dieu soyez" (au revoir), il répond "Adiou syas", et un peu avant, "Tout aquo que volz commendar" (tout ce que vous voudrez me commander). Chez lui, ce "est mouruz" est clairement utilisé comme un marqueur social ou peut-être régional, dont sauf son respect, l’auteur de cette grammaire a grand tort selon moi, de faire un type lexical susceptible de généralisation (un peu comme si, dans 500 ans , on trouvait comme exemple dans une grammaire du français archaïque du XXIème siècle être mort, avoir mouru [sic] - mourir : auxiliaire être / avoir (2) une réplique de Dany Boon dans les Ch'tis). L'effet comique n'est pas non plus exclu, comme aujourd'hui, ce personnage se caractérisant par ses répliques particulièrement crues et dirait-on de nos jours, décalées. D’autant plus que dans la bouche des autres personnages, le participe "mort" est le seul utilisé, dans les trois occurrences suivantes :

De male-mort soient-ilz morts
Mors eussent-ilz estre pieçà (p. 127)

Je suis mort au premier morcel
Se je ne bois, c’est ma coustume (p.150)

Que quant il [Saint-Denis] fu mort et fénis
Il prist entre ses mains sa teste (p.155)

Quant à Eustache Deschamps, c’est un autre problème, on trouve effectivement le participe mouru une fois dans ses poèmes (les autres, sauf erreur, étant des formes du verbe conjugué) :

Prince, nobles, prestres, peuple, de fain
Avez mouru, nous sentons vostre clain.

... mais mort/mors aussi, trois fois :

Si que, lui mort, le peuple en ot tel rage
Se Grâce n'est, je suis mors et perdus
Je seray mors, aussi l'en t' occira

Alors ? …
Mais oui, mais c’est bien sûr, il écrit en décasyllabes, et les quatre pieds de avez mouru, qu'il a pu aller pêcher dans la langue populaire ou dans son propre lexique, lui-même n'étant pas de si haute extraction, et provincial de surcroït) sont bien pratiques au lieu des trois pieds de êtes morts quand on veut garder sa rime en ain laborieusement acquise par une coupure peu esthétique de sa phrase. Mais il revient sagement à mort quand un pied suffit à son bonheur. Tel (masculin au lieu de féminin, quatrième vers proposé), sert aussi ce but, puisqu'ailleurs il sait très bien l'accorder (ex: "Se telle plume leur est de l'ele ostee")... Un peu probablement comme le "encor" poétique dont on s’accordera à penser qu’il n’est pas représentatif du langage réel. Aller piocher une licence poétique unique dans toute une œuvre, c’est bien fragile, selon moi, pour mériter de figurer comme exemple dans une grammaire.

être mort, avoir mouru [sic] - mourir : auxiliaire être / avoir (2025)

References

Top Articles
Latest Posts
Recommended Articles
Article information

Author: Otha Schamberger

Last Updated:

Views: 6028

Rating: 4.4 / 5 (55 voted)

Reviews: 86% of readers found this page helpful

Author information

Name: Otha Schamberger

Birthday: 1999-08-15

Address: Suite 490 606 Hammes Ferry, Carterhaven, IL 62290

Phone: +8557035444877

Job: Forward IT Agent

Hobby: Fishing, Flying, Jewelry making, Digital arts, Sand art, Parkour, tabletop games

Introduction: My name is Otha Schamberger, I am a vast, good, healthy, cheerful, energetic, gorgeous, magnificent person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.